L’Art comme Donnée : Aevena Pavilon College et Bertha International Institute of Arts and Sciences explorent l’IA pour déchiffrer l’Afro-futurisme

Comment un algorithme d’intelligence artificielle, entraîné sur des millions d’images occidentales, interprète-t-il les codes visuels complexes de l’Afro-futurisme ? Une œuvre de design numérique, conçue dans notre “Studio Le Pavilon” à Abidjan, est-elle perçue par une machine comme une simple composition de couleurs, ou peut-elle en saisir l’intention culturelle ? Telles sont les questions fondamentales qui ont conduit deux de nos étudiants les plus prometteurs à Londres ce mois-ci, pour un échange académique qui confronte la création brute à l’analyse computationnelle pure.

Yasmine Fofana, étudiante en troisième année de Licence de Design Numérique, et David Krou, étudiant en Sciences Informatiques spécialisé dans l’IA au sein de notre “AI Garage”, ont été sélectionnés pour représenter Aevena Pavilon College. Leur destination : le prestigieux Bertha International Institute of Arts and Sciences (BIIAS), dont le siège européen est situé au 14 Russell Square, à Londres (WC1B 5EA).

Nos étudiants n’ont pas traversé la Manche pour une simple visite. Ils ont été intégrés à un atelier intensif de la “School of Science and Technology” et de la “School of Arts and Humanities” du BIIAS, intitulé “Computational Methods in Digital Humanities” (Méthodes Computationnelles en Humanités Numériques).

Cet échange place Aevena Pavilon College (Abidjan) et le Bertha International Institute of Arts and Sciences (Londres) à deux extrémités d’un même spectre. À Abidjan, nous créons. Yasmine Fofana est arrivée avec un portfolio de créations visuelles puissantes, explorant l’esthétique ouest-africaine, l’usage de symboles Adinkra et N’Ko dans des interfaces utilisateur (UI) modernes. David Krou, lui, est arrivé avec des modèles GenAI (IA générative) qu’il entraîne à produire de l’art inspiré de ces motifs.

À Londres, au BIIAS, ils ont rencontré une approche radicalement différente : l’analyse quantitative à grande échelle.

Les chercheurs du BIIAS n’ont pas “regardé” le portfolio de Yasmine ; ils l’ont “ingéré”. Ils ont utilisé des modèles de vision par ordinateur (Computer Vision) avancés, non pas pour juger de l’esthétique, mais pour quantifier l’impact sémantique.

“Ce fut une révélation déconcertante”, rapporte David Krou. “Au sein de l’AI Garage d’Aevena Pavilon, nous utilisons l’IA pour créer de la beauté. Au Bertha International Institute of Arts and Sciences, ils utilisent des réseaux neuronaux convolutifs (CNN) et des modèles CLIP (Contrastive Language–Image Pre-training) pour cartographier la ‘distance sémantique’ entre nos créations et des concepts globaux comme ‘innovation’, ‘tradition’ ou ‘confiance’.”

Le moment de friction le plus productif est survenu lors de l’analyse des œuvres de Yasmine. Les modèles du BIIAS, principalement entraînés sur des ensembles de données comme ImageNet, ont montré des biais évidents.

“Leurs modèles ont eu du mal”, explique Yasmine Fofana. “Ils ont analysé une de mes créations utilisant des palettes de couleurs ocre et terre cuite, censées évoquer l’héritage et la terre, mais l’IA l’a classée avec une forte probabilité dans la catégorie ‘sécheresse’ ou ‘pauvreté’. Une autre œuvre, utilisant des masques Dan stylisés pour signifier la ‘sagesse communautaire’, a été interprétée comme ‘agression’ ou ‘masque rituel primitif’.”

Cette “erreur” de la machine fut le véritable point de départ de la collaboration. Les chercheurs du Bertha International Institute of Arts and Sciences, bien que déçus par la performance de leurs outils, ont immédiatement reconnu la valeur de ce qu’apportait Aevena Pavilon College : des données visuelles authentiques, riches en contexte culturel, et qui mettent en échec les modèles d’IA conventionnels.

Nos étudiants n’étaient plus de simples visiteurs ; ils sont devenus des collaborateurs essentiels, aidant à la création de “sets de données d’entraînement” culturellement pertinents pour affiner les modèles de Londres.

David Krou résume l’expérience : “Nous sommes partis d’Abidjan en pensant que nous étions des artistes et des ingénieurs. Nous revenons de Londres en sachant que nous sommes aussi les curateurs des données qui formeront la prochaine génération d’IA.”

Cet échange entre Aevena Pavilon College et le Bertha International Institute of Arts and Sciences prouve que l’avenir de l’IA ne réside pas seulement dans la puissance de calcul, mais dans la diversité culturelle des données qu’elle analyse. Le BIIAS possède les outils computationnels ; Aevena possède le contexte culturel essentiel. Un projet de recherche conjoint est désormais à l’étude pour développer le premier modèle d’IA “Afro-sémantique” capable de comprendre, et pas seulement de voir, l’art numérique ouest-africain.


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