Le Pavilon Virtuel : Nos étudiants ramènent les chefs-d’œuvre Dan à Abidjan grâce à la Réalité Virtuelle

Pour un étudiant en design à Abidjan, comment étudier intimement un chef-d’œuvre de l’art Dan ou Sénoufo ? La réponse, frustrante, est souvent : “dans un catalogue” ou “sur un site web de musée”. Un grand nombre des pièces maîtresses de l’héritage ouest-africain, témoins de notre histoire et de notre génie esthétique, sont physiquement inaccessibles, conservées à des milliers de kilomètres dans des collections publiques ou privées à Paris, Londres ou New York.

À Aevena Pavilon College, nous pensons que la technologie n’est pas seulement un outil pour l’avenir ; c’est un pont pour reconquérir le passé.

C’est la mission du projet “Héritage Immersif”, une initiative née au sein de notre studio “Le Pavilon”, le laboratoire de notre département de Design Numérique et Arts Visuels. Ce projet, qui arrive aujourd’hui à sa première phase de maturité, utilise la photogrammétrie et la Réalité Virtuelle (VR) pour créer une archive numérique 3D de ces œuvres, accessible à tous nos étudiants sur le campus.

Ce projet illustre parfaitement notre modèle académique intégré. L’équipe est dirigée par Salimata Ouattara, une étudiante en troisième année de Licence Design Numérique, dont le mémoire porte sur la déconstruction des formes Dan dans le design d’interface (UI). Elle est assistée techniquement par Isaac Boni, 17 ans, un élève de Terminale S (spécialité NSI) de notre Lycée, passionné par la modélisation 3D.

Leur travail n’a pas nécessité de voyages coûteux. L’équipe a passé des mois à exploiter méticuleusement les archives “open source” des grands musées mondiaux. Ils ont collecté des centaines de photographies à haute résolution de pièces spécifiques – principalement des masques Dan – sous tous les angles possibles.

C’est là que le travail d’Isaac a commencé. “La photogrammétrie est un processus complexe”, explique-t-il. “Il ne s’agit pas de prendre trois photos. Nous avons utilisé un logiciel pour analyser des dizaines d’images, calculer la profondeur, les angles, et générer un ‘nuage de points’ en 3D.”

Le résultat brut, cependant, était souvent décevant. “C’est là que la collaboration est devenue cruciale”, intervient Salimata. “Le modèle 3D brut était techniquement correct, mais sans âme. Il ressemblait à du plastique.”

Sous la supervision du Professeur Mariam Koné, spécialiste de l’Afro-futurisme et directrice du studio, Salimata a passé des semaines sur le “texturage”. “Mon travail était de redonner vie à l’objet”, dit-elle. “Nous avons analysé la patine du bois, la façon dont la lumière frappe les scarifications, les traces de kaolin, l’usure laissée par le danseur. Ce sont ces imperfections qui racontent l’histoire de l’objet.”

Le Professeur Koné, dont les propres recherches portent sur l’identité visuelle, insiste sur le pragmatisme de la démarche. “Nous ne prétendons pas remplacer l’original. L’expérience de tenir un masque centenaire est irremplaçable. D’ailleurs, nos modèles 3D ont des défauts : le logiciel a eu énormément de mal avec les reflets sur les incrustations de métal et les ombres profondes des orbites. Ce n’est pas parfait.”

Mais l’imperfection n’est pas l’échec. Aujourd’hui, dans le “Studio Le Pavilon”, nos étudiants peuvent chausser un casque VR et ne plus seulement voir une image plate du masque ; ils peuvent se tenir devant lui. Ils peuvent tourner autour, l’analyser à taille réelle, observer la courbure que l’artiste a donnée au front, comprendre le volume que le simple “jpg” ne peut transmettre.

Pour Salimata, le projet a déjà changé sa pratique créative. “Je ne suis plus limitée à m’inspirer d’une image 2D. Je peux entrer dans la VR, isoler la ligne de l’arcade sourcilière d’un masque Kagle, l’exporter comme une courbe vectorielle et l’utiliser comme base pour un logo ou une animation 3D. C’est de l’Afro-futurisme appliqué : nous utilisons la technologie de demain pour dialoguer directement avec l’esthétique de nos ancêtres.”

L’équipe “Héritage Immersif” travaille maintenant à la prochaine étape : optimiser ces modèles extrêmement lourds pour une utilisation mobile et commencer à modéliser l’architecture, en visant les bâtiments historiques de Grand-Bassam. Aevena Pavilon College continue de prouver que l’innovation la plus pertinente n’est pas celle qui oublie le passé, mais celle qui trouve un moyen ingénieux de le rendre à nouveau présent.


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