L’Or Brun : Aevena Pavilon College transforme les déchets de cacao en électricité sur le campus

La Côte d’Ivoire, leader mondial de la production de cacao, fait face à un défi colossal mais souvent ignoré : la gestion de millions de tonnes de cabosses, la coque extérieure du fruit, qui sont laissées à pourrir dans les plantations après la récolte. À Aevena Pavilon College, nous considérons ce déchet non pas comme un problème, mais comme une ressource.

Au sein de notre Centre pour le Développement Urbain Durable (CDUD), une équipe d’étudiants vient de franchir une étape décisive. Après neuf mois de travail acharné, un prototype de gazéifieur à biomasse, conçu spécifiquement pour la valorisation énergétique des coques de cacao, alimente désormais avec succès les ateliers d’ingénierie de notre campus.

Ce projet, supervisé par le Dr. Lena Hoffmann, notre Maître de Conférences en Énergies Renouvelables et spécialiste de la biomasse, incarne la philosophie d’Aevena Pavilon : une collaboration unique entre nos cycles. L’équipe est composée de deux étudiants en troisième année de Licence d’Ingénierie des Systèmes Durables et d’une élève particulièrement brillante de Terminale, parcours Scientifique (spécialité Sciences de l’Ingénieur) de notre Lycée.

Le défi n’était pas simple. “Les cabosses de cacao sont une biomasse notoirement difficile”, explique le Dr. Hoffmann. “Elles ont une teneur en humidité très élevée au moment de la récolte et une composition chimique qui, lors de la gazéification, produit une quantité importante de goudrons, encrassant rapidement les moteurs et les filtres.”

C’est là que l’ingéniosité de l’équipe est intervenue. Plutôt que d’adapter un modèle existant, ils ont repensé le processus.

L’étudiante de Licence, Aminata Traoré, s’est concentrée sur la phase de prétraitement. “Nous avons vite compris que le séchage était la clé”, dit-elle. “Nous ne pouvions pas utiliser d’électricité pour sécher un déchet censé en produire. L’équipe a donc conçu et modélisé un séchoir solaire passif à convection forcée, utilisant des matériaux locaux, pour amener les coques à un taux d’humidité inférieur à 15%.”

Pendant ce temps, l’élève de Terminale, Marc-Antoine Kouadio, a mis en pratique ses cours de thermodynamique. “Mon rôle était de calculer le pouvoir calorifique inférieur (PCI) réel de nos coques séchées”, explique-t-il. “C’est stupéfiant. En cours, on apprend la théorie. Ici, je tenais dans mes mains un déchet agricole et je calculais qu’il possédait une densité énergétique suffisante pour alimenter un petit moteur. J’ai aussi travaillé sur la conception d’un filtre cyclonique pour la première étape de purification du gaz de synthèse (syngaz).”

Aujourd’hui, le prototype “CDUD-Gazéifieur Mk II” fonctionne. Les coques séchées sont introduites dans une chambre de pyrolyse contrôlée, où elles sont décomposées thermiquement en l’absence d’oxygène pour produire un gaz de synthèse (un mélange d’hydrogène, de monoxyde de carbone et de méthane). Ce gaz est ensuite filtré – c’est là que réside le cœur de l’innovation – avant d’alimenter un générateur standard.

“Nous ne sommes pas encore au bout de nos peines”, admet le Dr. Hoffmann, avec le pragmatisme d’une chercheuse. “Notre prototype est une preuve de concept. Il fonctionne. Mais le goudron reste notre ennemi. Notre système de filtration est meilleur, mais il n’est pas encore parfait et nécessite une maintenance que nous jugeons encore trop fréquente.”

La réussite est néanmoins tangible : l’éclairage et les équipements de l’atelier du CDUD sont désormais déconnectés du réseau principal pendant plusieurs heures par jour, fonctionnant entièrement grâce à l’énergie de l’or brun.

Le véritable enjeu, comme le souligne Aminata Traoré, n’est plus seulement technique. “Nous avons prouvé que cela fonctionne sur un campus. La prochaine étape, et c’est le sujet de mon mémoire de fin d’études, est logistique et sociale : comment concevoir un modèle économiquement viable pour collecter cette biomasse auprès de petites exploitations agricoles et le rendre suffisamment robuste pour un usage rural ? C’est le vrai défi.”

Aevena Pavilon College continue ainsi de former des ingénieurs et des scientifiques qui ne se contentent pas de résoudre des problèmes théoriques, mais qui développent des solutions concrètes, parfois imparfaites mais toujours pertinentes, aux défis les plus pressants de la Côte d’Ivoire.


Comments

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *